Loisirs & Spectacles
MUSIQUE.
Francis Cabrel : « Mes humeurs m'ont rattrapé » Propos recueillis par Emmanuel Marolle
lundi 25 février 2008 | Le Parisien
(LP/JEAN-BAPTISTE QUENTIN.)
(LP/JEAN-BAPTISTE QUENTIN.)ZOOM
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Son nouvel album, plus engagé, plus politique, va forcément surprendre. Un mois avant la sortie de ce disque superbe intitulé « Des roses et des orties », le chanteur se confie : « Il fallait que j'écrive ce que j'avais sur le coeur »...
ON L'AVAIT laissé un rien dégagé, le revoilà préoccupé. Après le succès des « Beaux Dégâts » en 2004, disque intemporel, Francis Cabrel reviendra le 31 mars avec « Des roses et des orties », un album dans l'air du temps. Un 11e enregistrement où, à 54 ans, il donne sa vision de l'époque, au détour de chansons magnifiques.
Il a accepté de nous en parler en avant-première.
Il y aura plus d'« orties » que de « roses » dans ce nouvel album, non ?
Francis Cabrel. Avec le précédent, « les Beaux Dégâts », je voulais juste faire un disque de blues authentique. On sortait du 11 Septembre, je ne voulais pas en rajouter. Cette fois, mes humeurs m'ont rattrapé. L'une des premières chansons écrites s'appelle « Des gens formidables ». J'y fais le portrait du chanteur poltron, égoïste, carriériste. Si je ne voulais pas ressembler à ça, il fallait que j'écrive ce que j'avais sur le coeur.
Vous faites partie de ces artistes « poltrons »?
Oui. Je suis généreux, mais pas tout le temps. Je pars en vacances à l'île Maurice quand d'autres n'ont pas de quoi finir le mois. Les chanteurs sont comme certains commerçants : ils ne prennent pas trop position pour ne pas perdre de clientèle.
« La fonction présidentielle a été totalement désacralisée »
C'est pour ça que vous n'avez pas pris parti pendant la présidentielle ?
Il y a des isoloirs, ce n'est pas pour rien. Ma sensibilité est plutôt à gauche mais je n'ai jamais trouvé utile et efficace de soutenir officiellement un candidat. On est censé engager des milliers de personnes derrière nous et moi, je ne suis sûr de rien. Je ne serai jamais un chef de file, un leader.
Comment avez-vous accueilli la victoire de Nicolas Sarkozy ?
Ah bon, c'est lui qui a gagné ? Je ne m'en rappelle pas ! Il vient juste de se marier, en plus... Plus sérieusement, les candidats avaient le même profil, la recherche de la popularité à tout prix, du spectaculaire, du sensationnel. D'un côté ou de l'autre, on n'aurait pas échappé à cette peopolisation, terme que je déteste et que je fuis. Et ça se retourne contre eux : Delanoë est plus populaire que Royal, Sarkozy chute dans les sondages... La fonction présidentielle a été totalement désacralisée. Je me demande même si l'élection au suffrage universel direct est souhaitable. Les grand électeurs feraient l'affaire. Cela éviterait peut-être au candidat de se sentir au-dessus de tout après avoir récolté 20 millions de voix.
La chanson « African Tour » évoque le sort des clandestins qui tentent de gagner l'Europe. C'est une ortie anti-Sarkozy ?
C'est parti du terme d'« immigration choisie », cette idée d'exclure les gens qui n'ont pas de diplôme, pas d'études derrière eux. On leur interdit le moindre espoir, alors qu'ils ont quitté un pays où ils n'ont rien. La sanction est glaciale. La chanson s'arrête à la frontière. La France et sa politique, les tests d'ADN, je n'en parle pas. C'est sous-entendu.
Vous signez également un titre très personnel sur la mère biologique de votre fille Thiu, adoptée au Viêt Nam...
On l'a eue à 3 mois. Elle a maintenant 3 ans. J'avais envie qu'elle puisse écouter cette chanson quand elle sera plus grande. On ne reproche rien à cette femme qu'elle va probablement rechercher à un moment ou à un autre.
« Je suis chanteur à certains moments, le reste du temps j'essaie d'être anonyme »
L'adoption a été facile pour vous ?
Non, on a attendu quatre ans parce que les relations entre le Viêt Nam et la France, sur les questions d'adoption, ont été bloquées pendant un certain temps.
Vous n'avez pas eu de passe-droit comme Johnny Hallyday ?
Non, ce n'est pas dans mes manières. Moi, j'attends mon tour partout, chez le boulanger, au cinéma. Je suis chanteur à certains moments, le reste du temps j'essaie d'être anonyme. Je n'aime pas me faire remarquer.
Vos revenus ont été rendus publics : vous faites partie des dix chanteurs les mieux payés. Vous prenez ça comment ?
C'est sans doute parce que j'ai resigné un nouveau contrat l'an dernier, sinon, je n'ai sorti qu'une compilation... Mais cela ne me met pas mal à l'aise. Je paie des impôts colossaux et je ne m'en plains pas. C'est juste un peu gênant pour mes enfants qui se font chambrer à l'école. L'aînée a 21 ans. Elle fait des études d'attachée de presse et manage également le groupe de son fiancé. Elle est très intéressée par le côté organisationnel de la musique. La cadette a 17 ans et est en terminale, et la petite de 3 ans vient d'entrer à l'école.
Vous allez les quitter pour partir en tournée ?
Oui, ça va démarrer en septembre et on s'arrêtera au Casino de Paris pendant trois semaines en décembre. Ensuite, je pense que je suis parti pour au moins un an.
MUSIQUE.
Francis Cabrel : « Mes humeurs m'ont rattrapé » Propos recueillis par Emmanuel Marolle
lundi 25 février 2008 | Le Parisien
(LP/JEAN-BAPTISTE QUENTIN.)
(LP/JEAN-BAPTISTE QUENTIN.)ZOOM
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Son nouvel album, plus engagé, plus politique, va forcément surprendre. Un mois avant la sortie de ce disque superbe intitulé « Des roses et des orties », le chanteur se confie : « Il fallait que j'écrive ce que j'avais sur le coeur »...
ON L'AVAIT laissé un rien dégagé, le revoilà préoccupé. Après le succès des « Beaux Dégâts » en 2004, disque intemporel, Francis Cabrel reviendra le 31 mars avec « Des roses et des orties », un album dans l'air du temps. Un 11e enregistrement où, à 54 ans, il donne sa vision de l'époque, au détour de chansons magnifiques.
Il a accepté de nous en parler en avant-première.
Il y aura plus d'« orties » que de « roses » dans ce nouvel album, non ?
Francis Cabrel. Avec le précédent, « les Beaux Dégâts », je voulais juste faire un disque de blues authentique. On sortait du 11 Septembre, je ne voulais pas en rajouter. Cette fois, mes humeurs m'ont rattrapé. L'une des premières chansons écrites s'appelle « Des gens formidables ». J'y fais le portrait du chanteur poltron, égoïste, carriériste. Si je ne voulais pas ressembler à ça, il fallait que j'écrive ce que j'avais sur le coeur.
Vous faites partie de ces artistes « poltrons »?
Oui. Je suis généreux, mais pas tout le temps. Je pars en vacances à l'île Maurice quand d'autres n'ont pas de quoi finir le mois. Les chanteurs sont comme certains commerçants : ils ne prennent pas trop position pour ne pas perdre de clientèle.
« La fonction présidentielle a été totalement désacralisée »
C'est pour ça que vous n'avez pas pris parti pendant la présidentielle ?
Il y a des isoloirs, ce n'est pas pour rien. Ma sensibilité est plutôt à gauche mais je n'ai jamais trouvé utile et efficace de soutenir officiellement un candidat. On est censé engager des milliers de personnes derrière nous et moi, je ne suis sûr de rien. Je ne serai jamais un chef de file, un leader.
Comment avez-vous accueilli la victoire de Nicolas Sarkozy ?
Ah bon, c'est lui qui a gagné ? Je ne m'en rappelle pas ! Il vient juste de se marier, en plus... Plus sérieusement, les candidats avaient le même profil, la recherche de la popularité à tout prix, du spectaculaire, du sensationnel. D'un côté ou de l'autre, on n'aurait pas échappé à cette peopolisation, terme que je déteste et que je fuis. Et ça se retourne contre eux : Delanoë est plus populaire que Royal, Sarkozy chute dans les sondages... La fonction présidentielle a été totalement désacralisée. Je me demande même si l'élection au suffrage universel direct est souhaitable. Les grand électeurs feraient l'affaire. Cela éviterait peut-être au candidat de se sentir au-dessus de tout après avoir récolté 20 millions de voix.
La chanson « African Tour » évoque le sort des clandestins qui tentent de gagner l'Europe. C'est une ortie anti-Sarkozy ?
C'est parti du terme d'« immigration choisie », cette idée d'exclure les gens qui n'ont pas de diplôme, pas d'études derrière eux. On leur interdit le moindre espoir, alors qu'ils ont quitté un pays où ils n'ont rien. La sanction est glaciale. La chanson s'arrête à la frontière. La France et sa politique, les tests d'ADN, je n'en parle pas. C'est sous-entendu.
Vous signez également un titre très personnel sur la mère biologique de votre fille Thiu, adoptée au Viêt Nam...
On l'a eue à 3 mois. Elle a maintenant 3 ans. J'avais envie qu'elle puisse écouter cette chanson quand elle sera plus grande. On ne reproche rien à cette femme qu'elle va probablement rechercher à un moment ou à un autre.
« Je suis chanteur à certains moments, le reste du temps j'essaie d'être anonyme »
L'adoption a été facile pour vous ?
Non, on a attendu quatre ans parce que les relations entre le Viêt Nam et la France, sur les questions d'adoption, ont été bloquées pendant un certain temps.
Vous n'avez pas eu de passe-droit comme Johnny Hallyday ?
Non, ce n'est pas dans mes manières. Moi, j'attends mon tour partout, chez le boulanger, au cinéma. Je suis chanteur à certains moments, le reste du temps j'essaie d'être anonyme. Je n'aime pas me faire remarquer.
Vos revenus ont été rendus publics : vous faites partie des dix chanteurs les mieux payés. Vous prenez ça comment ?
C'est sans doute parce que j'ai resigné un nouveau contrat l'an dernier, sinon, je n'ai sorti qu'une compilation... Mais cela ne me met pas mal à l'aise. Je paie des impôts colossaux et je ne m'en plains pas. C'est juste un peu gênant pour mes enfants qui se font chambrer à l'école. L'aînée a 21 ans. Elle fait des études d'attachée de presse et manage également le groupe de son fiancé. Elle est très intéressée par le côté organisationnel de la musique. La cadette a 17 ans et est en terminale, et la petite de 3 ans vient d'entrer à l'école.
Vous allez les quitter pour partir en tournée ?
Oui, ça va démarrer en septembre et on s'arrêtera au Casino de Paris pendant trois semaines en décembre. Ensuite, je pense que je suis parti pour au moins un an.
Dernière édition par Mina le Lun 25 Fév 2008 - 23:53, édité 2 fois