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Francis Cabrel, du piquant dans Des roses et des orties
La veine humaniste du chanteur d'Astaffort
Paris
31/03/2008 -
A peine quatre ans après Les Beaux Dégâts, il sort dès le 31 mars son nouvel album, Des roses et des orties qui aborde avec plus de vigueur que jamais des thèmes politiques. Rencontre avec un auteur-compositeur-interprète qui dévoile la genèse de son disque.
RFI Musique : Vous nous aviez habitués à sortir vos albums tous les cinq ans. Voici que celui-ci paraît à peine quatre ans après Les Beaux Dégâts…
Francis Cabrel : Depuis Sarbacane, je prenais cinq ans entre les disques pour m’occuper de mes enfants et du conseil municipal de mon village. Mais maintenant, je ne veux plus qu’écrire. Ça va forcément réduire le temps entre les apparitions.
On a l’impression d’un disque plus jeté, plus rapide dans sa réalisation. On ne sent pas le travail…
Pourtant, il y a beaucoup de travail. C’est de la dentelle autour des guitares. Justement, c’est peut-être le son chaud et organique de la guitare qui y fait beaucoup. Mes trois derniers albums étaient produits musicalement par un pianiste, Gérard Bikialo. Là, c’est un guitariste, Michel Françoise, qui a tout dirigé. Il a beaucoup joué et j’ai moi aussi mis quelques couches de guitares ou de mandolines – ça nous a pris un an. Si ça n’a pas l’air très travaillé, tant mieux, parce que c'est la spontanéité que nous cherchions, même si c’est le contraire qui est arrivé. Enfin, on ne pinaillait pas non plus à la double croche comme Laurent Voulzy qui passe deux jours sur le son d’une "réverb".
Toutes les chansons étaient-elles écrites avant l’enregistrement ?
Oui.
Vous n’écrivez jamais dans le studio ?
Ah non ! Je suis très rangé, comme garçon. J’écris à un endroit, j’enregistre à un autre. J’écris dans une pièce destinée à l’écriture puis je vais enregistrer la chanson. Une fois qu’elle est bien présente, un peu enveloppée avec ses premières ornementations, je peux revenir dans la première pièce pour changer quelques trucs, réfléchir à sa nouvelle silhouette. Mais je n’écris jamais dans le studio, par pudeur. Dans le studio, il y a l’ingénieur du son, des musiciens, le producteur, et je ne peux pas écrire ou réfléchir, accompagné. Mon écriture est solitaire, silencieuse, toutes les portes fermées et sans rien qui me distrait. Je ne sais pas écrire dans un bar ou dans un train. Je n’aime pas que l’on m’entende travailler ma voix, que l’on me voit écrire. Je me cache.
De toute votre discographie, cet album est le plus politique, ou le plus humaniste.
Je préfère dire humaniste. J’avais éludé la question sociale sur mon album précédent parce que l’époque était assez troublée. Ce qu’on venait de vivre était un tel chaos, avec le 11 septembre, l’affrontement de deux mondes, des répercussions sur le comportement de chacun qui compliquaient la vie. J’avais donc fait Les Beaux dégâts sans alourdir, en m’obligeant à éviter les sujets que j’aborde maintenant.
Cet album a donc été écrit en 2006…
En 2006 et 2007. Dès qu’une chanson était écrite, je l’enregistrais et je retournais en écrire d’autres.
Donc vous avez écrit pendant la campagne des élections présidentielles. Ses thèmes vous ont-ils influencé ?
Aucune chanson ne parle de la campagne présidentielle mais elle a eu lieu pendant que j’écrivais. Pour qu’un thème déteigne sur moi au point d’en faire une chanson, il faut que ce soit d’une intimité… On vit avec une chanson quand on l’écrit, la compose, l’enregistre. Pendant des semaines et des semaines, c’est une part de soi-même. Je ne vais pas vivre avec la campagne électorale. Par contre, je peux vivre avec l’esprit fraternel et avoir de la sympathie pour les Africains ou les sans-abri – c’est plus de l’humanité.
Mes chansons font penser à la politique et je ne voudrais ne pas avoir à donner mon avis sur la politique. Par exemple, quand je parle, dans African Tour, d’un Africain qui décide de fuir son pays et s’approche de l’Europe parce que ça brille, qu’il y a du travail et du confort, tout le monde associe cette chanson à ce que va être sa vie ici, à la manière dont il sera reçu et donc aux lois françaises. Je ne sais pas, même si c’est inévitable, s’il est bien naturel de faire le lien.
Plus de chansons politiques après le 11 septembre, mais maintenant ces thèmes sont pleinement revenus.
On dirait que les choses sont maintenant plus claires. Là, j’ai essayé d’aider comme un tranquillisant, de sortir des chansons un peu consensuelles qui apaisent, qui réunissent, qui passent un baume sur la plaie