par Mina Mer 30 Aoû 2006 - 22:28
Francis Cabrel
Le chant du retour
30/03/1999 -
Père de famille, retiré sur ses terres d'Astaffort, Francis Cabrel signe un retour coulé dans le classicisme avec Hors-saison, son premier album studio en cinq ans.
Pour l'amateur, un disque de Francis Cabrel se déguste, se savoure, puis se digère lentement. Il faut dire que l'artisan, après deux lustres de vie parisienne, vit depuis maintenant treize ans à l'heure provinciale, loin de la fureur des cités ou du show-biz. Hors-Saison qui sort aujourd'hui chez Columbia (distribution Sony Music), est son deuxième album studio de la décennie. Le quinquennat semble même être devenu le rythme de croisière du poète d'Astaffort : Sarbacane en 1989, Samedi soir sur la terre en 1994, Hors-Saison en 1999.
Dédiée à la figure tutélaire Robert Johnson, cette collection de 12 nouvelles chansons emprunte beaucoup au blues, par sa mélancolie parfois monotone comme par son aspect dépouillé. Enregistré et mixé à Paris, Hors-saison, entièrement acoustique, s'interdit de la sorte la moindre touche électrique, à contre-courant de titres comme Encore et encore ou Sarbacane.
Produit par Gérard Bikialo, l'ouvrage ne réserve strictement aucune surprise. Francis Cabrel, 46 ans, taille toujours dans le même bois. Plus prompt à maintenir groupé un immense cheptel de fans (près de 3 millions de Samedi soir sur la terre vendus, 1,7 million de Sarbacane...) qu'à rameuter de nouveaux adeptes, le Cabrel 99 ne souffre en tous cas pas d'une quelconque panne d'inspiration ou d'un déficit qualitatif. Pétri comme le bon pain, Hors-saison ravira à coup sûr tous ceux qui suivent l'artiste depuis de nombreuses années. Les autres continueront de penser que ses chansons sont un éternel recommencement…
Entourant Francis Cabrel depuis Sarbacane, Manu Katché (batterie), Bernard Paganotti (basse) et Gérard Bikialo (production et claviers) rempilent, embarquant dans leur entreprise le guitariste Denys Lable, le percussionniste Denis Benarrosh, l'accordéoniste Jean-Louis Roques et un quatuor de choristes (Debbie Davis, Anne Calvert, Angie Cazeaux-Berthias, Roger Secco).
Intemporel, puisant son essence dans les sentiments humains plus que dans l'actualité immédiate, Hors-saison aurait très bien pu s'intituler Hors du temps. Rien de nouveau en somme, comme le chante d'ailleurs sur ce disque le créateur de Je l'aime à mourir. Ouvrant l'album, Le monde est sourd résonne comme une complainte dénonçant le sort de l'enfant qui "pour cinq francs la semaine/Vient broder des survêts/Pour l'homme blanc qui golfe en voiturette" comme les "tricheurs à la tribune/Menteurs amassant la fortune", avant le retour à la langueur du quotidien et aux sentiments généraux. L'amour éternel, qui résiste à l'usure du temps et aux aléas de l'existence, inspire Comme eux, une chanson où plane en pointillé l'exemple parental. Mes parents ont vécu comme ça, explique Francis Cabrel, dans une interview accordée à la presse. "Je vis comme ça, et c'est une idée qui me plaît. La quotidienneté des choses. A l'ancienne !".
Dans le registre des grands sentiments, l'adaptation de I've been lovin'you for too long d'Otis Redding, Depuis toujours, rime bien sûr avec chanson d'amour... Pour le reste, Madame X traque le fait divers social ("Madame X et ses enfants/Tout l'hiver sans chauffage/Caravane pour des gens/Même pas du voyage"). A l'inverse, Le reste du temps respire un bonheur tranquille vécu dans une bulle d'indifférence ("Pendant que le monde bavarde/A rien d'important/On pourrait dormir sous les arbres/Le reste du temps"). Dans un même genre antinomique, Cent ans de plus invoque les légendes du blues (Charlie Patton, Son House, Robert Johnson...), tandis que La belle Debbie s'amuse des allitérations ("La belle Debbie, debout d'un bond/Au tout début me bouda"). Pour le décor, Hors-saison, au piano, restitue "cette ambiance des petites stations balnéaires du Sud Ouest désertées", aux dires de son auteur. Toujours plus au sud, Loin devant s'adresse à l'Algérie, "un pays cousin auquel je me sens relié".
Il faudra s'y faire : on n'a pas fini d'entendre Francis Cabrel sur les ondes en 1999. Les anciennes chansons s'échappent à nouveau des transistors, à la faveur du nouveau single, Presque rien, déjà très programmé. En avril et mai, l'appel des plateaux de télévision ramènera pour un temps dans le chaudron parisien cet amoureux de la campagne et des espaces dégagés. En attendant un possible retour à la scène. "Et ça continue, encore et encore"...
Gilles Rio
http://194.117.210.41/musiquefr/articles/060/article_13993.asp